Suède, été 2013
Nous
mettrons deux jours en voiture pour atteindre notre destination finale. C'est
un choix. Nous avons effectivement opté pour une traversée nocturne à bord d'un
ferry entre l'Allemagne et la Suède, histoire de prendre une dernière dose de
"civilisation" avant une immersion totale en pleine nature.
La route
nous semble longue entre Göteborg et Glava, notre destination finale, mais
c'est l'occasion d'apercevoir derrière les vitres de la voiture un pays que
nous ne connaissons pas et très vite les lacs immenses, les forêts à perte de
vue défilent sous nos yeux. Les limitations de vitesse étant très strictes en
Suède, nous avons tout le temps de les contempler. Enfin nous abordons la
réserve naturelle de Glaskogen. A peine avons-nous passé les limites de la
réserve que nous sommes déjà plongés dans l'ambiance...
La route
devient une voie d'exploitation forestière assez large traversant vingt huit
mille hectares de nature quasi intacte parsemée de maisons en bois et
constellés de lacs aux dimensions surprenantes. Le bleu des eaux contraste avec
le vert des sapins. Les bouleaux dessinent ci et là quelques traits blancs mais
nous devons rester concentrés car notre point de départ n'est pas facile à
trouver. Il s'agit du petit camping de Lemmungshammar où nous devons acheter
les pass réserve et pêche ainsi qu'une carte 1/50000e ou sont indiqués, entre
autres, les emplacements des huttes et chalets.
Nous y
sommes à quatorze heures trente. Ces formalités achevées, nous déchargeons nos
canoës et peaufinons notre paquetage. Bien qu'il soit possible de louer des
canoës nous avons fait le choix de venir avec nos propres embarcations. Le
Guide et le Mistral (nos deux canoës) déchargés, nous les mettons à l'eau et
les armons de cordes d'attrape, de gonflets, de pagaies et d'écopes avant de
les encombrer de notre matériel. Nous répartissons les équipages ainsi : Maman
et bonhomme dans le Guide, Papa dans le Mistral.
Dès le
début, nous interprétons mal la carte où la camping, notre point de départ,
n'est pas indiqué, mais après avoir pagayé quarante cinq minutes, nous trouvons
une aire de bivouac idéale. Le temps est incertain, la journée à été longue et
nous décidons de nous y arrêter.
Nous placons
cet endroit dans le top ten des emplacemements de bivouacs rencontrés dans
notre vie. Un emplacement plat et suffisant pour notre tente, un autre un peu
plus distant pour le feu, deux plages, une pour les canoës, l'autre pour
l'accès à l'eau et le tout sous les sapins idéalements placés pour tendre le
tarp et surtout : le calme.
Le Kelly
kettle ronronne déjà et nous faisons le point sur la carte en dégustant un thé
récupérateur à l'abri des ondées. Des canards sans peur viennent visiter notre
campement, inspectent nos bidons, la tente puis disparaissent comme ils sont
venus, dans les parterres de myrtilles.
Sous un vent
forcemment contraire, nous traversons l'Ovre Glä pour accoster sur une plage de
sable fin. Malgré le vent, il fait beau et chaud. Nous déjeunons et nous dorons
la pillule sur un rocher chauffé au soleil. Tout cela prend des airs de
méditerranée.
Nous
reprenons nos pagaies pour chercher un emplacement de bivouac. Nous avons
décidé que les après-midi seraient consacrés à cette recherche. A cela
plusieurs raisons : d'abord nous sommes en vacances, ensuite il nous faut deux
heures au minimum pour installer notre campement, d'autre part les endroits
propices, bien que nombreux, ne sont pas indiqués sur la carte et il faut les
dénicher, enfin - et l'avenir nous donnera raison - il faut surveiller la météo
qui a tendance à se dégrader en fin d'après-midi.
Nous
accostons tout d'abord la rive ouest de l'Ovre Glä sur une presqu'île
rocailleuse ou s'accrochent des pins gigantesques. Ce décor confirme notre
impression méditerranéenne. Malgré tout nous n'y trouvons pas notre bonheur.
Les rares étendues de mousse ne permettent pas de planter nos sardines. De la
côte j'observe aux jumelles l'île qui nous fait face. Elle a l'air accueillante
et innocupée. Une heure plus tard, nous l'accostons. Encore une fois
l'emplacement est parfait. Nous disposons même d'une dalle baignée par les rayons
du soleil ou nous siesterons.
La mise en
place du bivouac est un moment particulier ou personne ne chôme. Il faut tout
d'abord décharger le matériel et mettre à l'abri les canoës en les avançant sur
la terre ferme, puis les retourner pour qu'ils ne se remplissent pas d'eau en
cas d'averse. Cela fait, il faut décider de l'emplacement de la tente et
surveiller son orientation. Une fois la tente installée, Janique prépare un nid
douillet tandis que je prépare le thé. Notre moussaillon, lui, récolte des brindilles
et branchages pour le Kelly kettle.
Un bon
campement est un campement organisé avec un coin cuisine proche de
l'emplacement pour le feu, les bidons de nourriture à portée de main, le
matériel nautique dans un coin et une corde tendue entre deux arbres ou sèchent
les gilets de flottaison et les chaussettes en néoprène. En cas de besoin le
tarp en polycoton vient couvrir le coin cuisine pour en faire un lieu de vie
commune ou il est possible d'évoluer debout. Les outils coupants tels que
couteaux et hache sont systématiquement rangés dès que l'on ne s'en sert plus.
Pour les
toilettes nous choisissons un coin assez distant du campement et si possible
toujours le même. Il ne s'agit pas de marquer son territoire. Le sol ne permet
pas de creuser de véritables feuillés. Aussi nous contentons nous d'enterrer
nos scelles et mettons le papier hygiènique dans un petit sac que nous
emportons. Ce n'est peut-être pas la méthode idéale mais elle est préférable à
celle qui consiste à laisser derrière soit des papiers en se disant que de
toute façon, c'est biodégradable.
Le bivouac à
ses temps : celui de l'installation suivi de celui du thé puis vient le temps
du bain qui précède de peu le temps de l'apéro et du repas. Entre temps, il y a
filtrage de l'eau, lecture, écriture, pêche, réparation, partie de jeu de
société et préparation de l'itinéraire du lendemain. Bref, on ne s'ennuie pas.
La météo est
un point essentiel. Nous avions fait le point au camping de Lennungshammar.
Nous savons que dès le lendemain une perturbation arrivera sur nous et
s'installera pour deux jours. Nous décidons alors que nous longerons la côte
ouest du lac jusqu'à une embouchure plus au nord ou nous devrions trouver un
chalet refuge. Ce cabotage nous permettra de nous réfugier sur le rivage en cas
de besoin.
Après un
délicieux repas nous nous endormonsheureux et encore émerveillés par cette
nature intacte.
Au réveil,
le ciel est gris mais le vent est tombé. Le lac est maintenant un véritable
mirroir. Nous quittons l'ïle que nous avons baptisé "aux
bergeronnettes". Nos canoës fendent l'eau et laissent derrière eux des
sillons troublant les eaux calmes.
En une
heure, nous parcourons une distance équivalente à celle que nous avions
parcouru la veille en un jour. Le vent commence à se lever mais reste moins
fort qu'auparavant. Nous cherchons l'embouchure vers le chalet. En étudiant la
carte, je devine que nous sommes à hauteur de l'embouchure.
Nous mettons
le cap ouest, nord-ouest. Nous nous engageons dans une petite baie bordée par
un jardin entretenu entourant une superbe maison en bois peinte en rouge vif.
Le lieu à l'air désert. En nous enfonçant dans cette baie je distingue un bruit
de courant. Sur la carte un mince trait bleu relie les deux lacs entre lesquels
se situe le chalet mais la carte ne donne aucune indication quant aux
altitudes, si bien que je ne sais pas si le lac vers lequel je me dirige est
plus haut ou plus bas que celui sur lequel nous sommes. Je ne sais donc pas si
nous descendrons ou remonterons le petit courant. Y a t'il d'ailleurs assez
d'eau pour continuer? Où devrons nous accoster pour ne pas louper le chalet? Si
il y a des rapides, sont-ils franchissables? Si oui par quel itinéraire? Autant
de questions qui me décident pour une reconnaissance à pied.
J'accoste et
progresse parmi les bouleaux tandis que ma petite famille reste au bord, près
des canoës. Je rejoind vite un sentier qui me conduit directement au chalet que
nous cherchions. Je trouve également le sentier qui mène au cours d'eau, je m'y
engage et découvre finalement un bassin juste assez profond pour y pour y
amener les canoës. En amont le cours d'eau devient un petit ruisseau serpentant
entre les rochers. Ce ruisseau coule d'un barrage retenant les eaux du petit
lac que nous avions vu sur la carte et qui nous surplombe.
Le chalet
est une simple pièce lambrissée peinte en blanc. On y trouve quatre lits
superposés, une table, quatre chaises et un petit poêle à bois. Le tout est
assez propre. A l'extérieur est aménagé un emplacement pour le feu et on
dispose d'une pompe à main pour l'eau. Plus loin, il y a un abri pour le bois.
Il est un
peu tôt mais nous investissons le chalet. Après nous être installés et avoir
déjeuné, nous nous essayons à la pêche. Janique attrape une perche qui viendra
agrémanter le repas du soir. Le reste de la journée est consacrée au repos.
Finalement le temps se maintient jusqu'au soir pour se déchainer après le repas
alors que nous disputons une partie de carte à la lueur de la bougie.
Le lendemain
le petit déjeuner est composé de pancakes. Nous ne nous pressons pas. La météo,
sans être franchement mauvaise, n'est pas très engageante. Le vent a forci et
les nuages sont de plus en plus nombreux. Nous hésitons à reprendre les canoës
pour finalement dé cider de rester une nuit de plus. En fin de journée, nous sommes
rejoints par deus hollandaises et un bébé. Il y a une route pas très loin,
elles y ont laissé leur voiture et nous demandent si nous pouvons partager le
chalet. Eu égard à leur petit homme, nous leur laissons le chalet et installons
la tente un peu plus loin.
Juste à
temps. L'orage gronde. Nous rejoignons le chalet sous la pluie. A
l'intérieur nous assistons au spectacle des é clairs que nous imaginons
lancés par Thor ou Odin.
Profitant
d'une accalmie, je vais m'assurer que notre tente n'est pas innondée. Une
flaque se forme sous notre couchage et nous décidons de changer d'emplacement.
Cette fois encore la chance est avec nous. A peine avons nous réinstallé la
tente que la pluis reprend de plus belle. C'est la grêle qui tombe maintenant
et nous sommet contents d'être à l'abri.
Soudain
quelqu'un frappe à la porte. Trois allemands, sac au dos, viennent trouver
refuge. On se sert un peu, on plaisante. Chacun est heureux d'avoir un toit sur
la tête.
Les
allemands ont fait le pari de dormir en hamac mais cette fois ci leurs tarps
n'auraient pas suffit.
Ils nous
proposent de nous laisser la place dans le chalet en échange d'une nuit dans
notre tente. Nous refusons poliment. Nous savons par expérience que nous
respirerons mieux dans notre tente que dans une cabane bondée.
L'orage est
enfin passé. Chacun s'affaire à son repas. Les allemands ont fait le pari de
cuisiner avec un réchaud à bois mais après l'orage, lee bois sec se fait rare.
Nous leur prêtons notre réchaud en méditant sur cet épisode. Il nous était rrivé
la même chose quelques années auparavant et depuis nous emportons toujours un
réchaud à gaz en back up. Fatigués malgré tout, nous nous endormons tôt.
Ce matin, la
méto est dégagée. Nous sommes les premiers levés. Nous préparons café, chocolat
chaud et céréales. La tente et le couchage replié, la vaisselle faite, nous
chargeons nos canoës et reprenons le "large" sous les saluts de nos
nouveaux amis.
Nous
longeons la rive est de l'Ovre Gla et arrivons en début d'après-midi sur cette
île que nous avions repérés. L'île offre plusieurs emplacements. Nous faisons
la fine bouche et optons pour celui qui nous paraît le mieux. Le reste de la
journée se passe entre parties de pêche, baignades et autres... Le train train
quoi.
Après une
nuit récupératrice nous rempaquetons pour pour quitter l'Ovre Gla et rejoindre
l'autre lac, le Stora Gla. Pour ce faire, il faut retrouver la passe par
laquelle nous sommes venus quelques jours plus tôt. C'est simple, elle est en
face de nous. Perdue dans la végétation, on ne la distingue pas d'où nous
sommes.
Arrivés au
point visé, nous ne trouvons pas la passe. Nous remontons les bords du lac
jusqu'à revenir au point de départ sans avoir trouvé le passage.
Je décide de
pointer un azimut en m'aidant de la carte et de la boussole. J'aurais dû le
faire dès le départ, nous n'aurions pas perdu un temps précieux. Cette fois le
point visé est le bon. Nous voyons des canoës sortir de la passe. Nous nous y
engageons, passons devant "la presqu'île aux canards francs" pour
retrouver Lennungshammar. Nous décidos d'y déjeuner et d'y compléter notre
ravitaillement notamment en fruits frais, ce qui nous manque le plus.
Le déjeuner
pris, nous nous attaquons à un portage de deux kilomètres. L'emprunt de
chariots en aluminium nous a grandement facilité la vie, surtout pour grimper
la cote et pour descendre le chemin tortueux qui mène à Stora Gla.
Nous donnons
nos premiers coups de pagaie vers seize heures. Nous mettons le cap vers une
hutte repéréé sur la carte. Elle est fermement occupée par deux suèdois. Après
une courte pause, nous continuons notre chemin. Notre bivouac est installé dans
un lieu étonnant : une plateforme ceinturée de petits cairns et de petites
pierres disposées tels une enceinte. Cette formation exite nos imaginaires.
L'un y voit un rempart pour nous protéger des trolls, l'autre un mini
Stonehedge, un autre les ruines d'une cité miniature.
Le lendemain
matin, un vent fort se lève au moment même ou nous nous mettons à l'eau. C'est
un vend sud/sud-ouest qui ne nous quittera pas pendant pendant deux jours. Au
départ, ce vent ne nous pose que peu de problèmes. Nous pagayons sur un axe
est/ouest à l'abri des forêts qui bordent le lac. Le première baie est
traversée sans difficulté, la seconde l'est avec un peu moins d'aisance. A la
troisième, nous sommes confrontés à un vent fort, contraire, soulevant des
vagues écumantes. Ambiance de pleine mer. La baie en question est profonde de
plusieurs kilomètres et est justement orientés sud/sud-ouest, ce qui laisse
libre court à un vent qui forcit de minute en minute.
Nous
projetons d'accoster sur la côte ouest de cette baie pour trouver refuge dans
une hutte. Ne pouvant parler d'un canoë à l'autre, nous communiquons à l'aide
de nos puissants sifflets et décidons d'accoster au plus près.
L'accostage
est délicat. Nous sommes poussés sur les rochers acérés qui ne manquent pas de
rayer nos embarcations. Débarquer est une a venture en soi. Une fois sur la
terre ferme, nous amarrons nos frêles esquifs et continuons l'exploration à
pieds. La première hutte est à cinq minutes à peine. La carte en indique une
deuxième un peu plus loin. Nous optons pour la deuxième, plus abritée du vent.
Pour autant la partie n'est pas terminée. Il s'agit de récupérer les canoës et
le matériel.
La hutte se
situant sur la côte ouest de la baie et surplombant une dalleglissante de près
de deux mètres de haut, il n'est pas possible d'y débarquer. Nous repérons
alors un endroit à l'abri du vent où il est plus aisé d'accoster.
Cependant ce
havre de paix se trouve au fond de la dexième baie traversée dans la matinée.
Pour le rejoindre, il faut reprendre le large et franchir en sens inverse le
cap que nous venions de dépasser. Je m'y engage mais le vent de plus en plus
fort me pousse sur les rochers. Nous décidons de cordeler.
Le Guide
passe le premier. Nous le cordelons en marchant à traversant les rochers, de
l'eau jusqu'aux cuisses. Le Mistral prend le même chemin. Une fois les bateaux
à l'abri du vent, pousser au fond de la baie est une partie de plaisir. Nous
débarquons tranquillement sur une côte boueuse. Le matériel acheminé près de la
hutte, nous déjeunons.
Les huttes
sont des abris construits en rondins, au toit oblique d'un seul pan. On y dort
sur une plateforme élevée à environ un mètre du sol. Le toit est complété dune
avancée de près d'un mètre qui protège efficacement la plateforme des
précipitations. Les murs latéraux sont prolongés de rondins disposés en carré
autour d'un foyer situé à moins de deux mètres de la plateforme. Au dessus du
foyer une lourde grille est suspendue à un solide trépied métallique.
On trouve
systèmatiquement un seau en métal auprès de la hutte. L'abri qui semble
sommaire est d'une grande efficacité contre les intempéries, nous aurons
l'occasion de le constater.
L'après-midi
est consacrée à la pêche au lancer et une perche viendra, cette fois encore,
compléter notre repas du soir. Maman décide de rester pêcher et laisse ses
hommes partir en exploration le long d'un chemin serpentant entre lichens et
myrtilles.
Le sentier
est un chemin de randonnée jalonné de points de vues sur le lac mouvementé. Il
me semble entendre un tonnerre lointain à travers le vent.
Nous
revenons à la hutte. Maman décide de lâcher sa canne pour collecter des
myrtilles que notre explorateur en herbe à repéré. Je reste à la hutte.
Le ciel
s'assombrit. Je commence à m'inquiéter, les cueilleurs ne sont pas encore en
vue et le vet souffle de plus en plus fort. Maintenant le tonnerre est
clairement audible. Des nuages chargés remplissent le ciel. Mes amateurs de
baies rentrent quatre à quatre. Juste à temps, nos affaires à l'abri sous
la plateforme, nous sous la hutte, nous pouvons sereinement jouir du spectacle.
Et quel spectacle !
En une
seconde, éclairs et trombes d'eau frappent le lac dans un fracas assourdissant.
Bientôt on ne distingue plus le lac. Les côtes qui nous faisaient face ont
maintenant disparu. Observant la Maëlstrom un thé à la main, nous comprenons
qu'il n'aurait pas fait bon se trouver dans nos canoës en plein orage. Outre le
risque évident d'être frappés pas la foudre, la visibilité est nulle et on
pourrait vite être renversés par les vagues. Un constat que nous n'oublierons
pas.
Le jour
suivant nous embarquons vers dix heures trente, heure habituelle. Le vent
forcit alors que nous sommes en plein milieu de cette immense baie qui nous
avait tant posé problème la veille. Nous faisons un premier arrêt une heure
plus tard sur la première île que nous rencontrons. L'île d'Algön est assez
grande mais n'offre que peu de possibiltés pour s'arrêter. La seule aire
possible est en plein vent. Nous poursuivons jusqu'à la suivante.
Guère
éloignée, plus petite, l'île d'Algsöklon est encore moins accueillante. Couverte
de mousses et de ronces, il est impossible d'y planter la tente. Il est
quatorze heures déjà et nous voilà coincés au beau milieu d'une baie où le vent
ne nous laisse que peu d'alternatives. Revenir sur nos "pas" ne nous
semble pas être la meilleure des solutions. Nous voulons pousser plus avant
notre exploration du lac. Nous scrutons à la jumelle l'île de Bjurön, à l'est.
Deux énormes cairns attirent notre attention. Ils semblent garder une baie à
l'abri du vent.
Nous bravons
encore une fois les éléments pour nous réfugier dans cette baie gardée et
surtout abritée du vent. Cette fois le bivouac est tout confort. De grandes
dalles sont disposées en sièges autour du foyer. L'endroit est idéal pour y
tenir un conseil de guerre. L'heure est grave, il nous faut prendre une
décision. En effet, nous sommes à trois jours du retour. Il faut coûte que
coûte réussir à traverser cette baie en sens inverse si nous voulons être dans
les temps. Le vent de levant à partir de dix heures trente, il nous faut absolument
partir avant. Nous décidons que le lendemain, dès le lever, à sept heures, nous
replierons le matériel pour embarquer, sans déjeuner à huit heure trente et
ainsi avoir au moins deux heures devant nous. En cas de problèmes, nous
reprendrons la tactiques des "saute de puce" qui consiste à aller
d'île en île, cette fois-ci pas le nord pour rester à l'abri du vent.
En
attendant, le vent ne faiblit pas alors que les jours précédents il tombait en
soirée. Cela n'est pas fait pour nous rassurer. Écoutant le vent dans les
arbres, nous essayons de nous endormir. Finalement nous y parvenons mais dès
quatre heures du matin le vent nous réveille à nouveau. Il nous semble qu'il
monte de minute en minute. A six heures, nous nous extirpons de nos duvets, à
six heures quarante deux, battant tous les records, nous sommes sur l'eau.
Il y a du
vent mais moins qu'hier. A sept heures quarante, nous occupons la hutte de
l'avant-veille, dite "hutte de l'orage". Encore une fois nous aurons
mis une heure là où nous avions eu besoin d'une journée. Il faut maintenant se
pencher sur la suite du périple et réfléchir au chemin qu'il nous reste à
parcourir.
Le temps
nous est compté. Il n'est plus question d'explorer l'autre rive comme nous
l'avions envisagé. En cas de vents contraires, nous risquerions de ne pas avoir
le temps de rejoindre notre point de départ. Nous cabotterons cette fois encore
pour rejoindre la "hutte aux allemands".
Le lendemain
nous l'abordons vers douze heures mais elle est occupée par un groupe
d'allemands qui ne la cédera qu'à un autre groupe d'allemands. Ce procédé
nous irrite quelque peu. En principe les huttes et les cabanes peuvent être oc
cupées deux nuits consécutives, pas plus. Nous espérons que le second groupe ne
la retienne pas pour un second contingent.
Nous
prévoyons en effet de profiter de la hutte le dernier jour afin de faire sécher
la tente et de réorganiser notre matériel. En attendant, nous nous installons
non loin un peu en hauteur. En embarquant, nous rencontrons un groupe de belges
qui encadrent des enfants pour une partie de pêche. Ils nous apprennent qu'un
orage est prévu à dix sept heures. Nous décidons de déployer le tarp pour nous
abriter des intempéries. Dans l'après-midi, nous faisons l'inventaire du reste
de victuailles. Nous n'avons rien de trop et il nous manque un peu de pain, du
lait, de la bière et du thé. Demain j'irais jusqu'au camping en canoë puis à
pied compléter nos vivres.
Le temps se
dégrade, le vent monte, le ciel s'obscurcit. A seize heures trente nous voyons
deux canoës chercher refuge. Le temps presse. Nous les hélons de la rive pour
leur indiquer que deux emplacements sont disponibles près du notre à condition
que leurs tentes ne soient pas trop grandes. Ca passe. Ils ont juste le temps
de s'installer que l'orage éclate. Il est dix sept heures. Le tarp ne suffit
plus à nous protéger de la pluie et du vent et nous nous abritons sous la
tente alors que des éclairs déchirent le ciel.
L'orage,
malgré sa force, ne dure pas bien longtemps. En soirée, nous avons droit à un
ciel aux couleurs magnifiques et à un lac d'huile. Nous en profitons pour
essayer les canoës en aluminium que nos voisins ont loué. Malgré leur poids,
ils ont une glisse étonnante sur l'eau. Avec ce ciel aux couleurs orangées tout
cela prend des airs de carte postale.
Le
lendemain, le petit déjeuner avalé, les hommes vont au ravitaillement. Maman,
elle, commence à replier la tente et transporte le matériel à la hutte
maintenant libre. A peine l'a-t-elle occupée que deux randonneurs se
présentent, mais il est trop tard pour eux. Le Stora Gla, plus aménagé que
l'Ovre Gla, attire plus de monde, ainsi faut-il être matinal pour espérer
occuper une hutte ou une cabane.
Voilà, c'est
la dernière journée, le dernier repas. Nous célébrons la fin de notre périple
avec une omelette aux morilles.
Le
lendemain, le vent s'est encore levé, contre nous bien évidemment. Il nous faut
livrer un dernier combat pour achever notre voyage et c'est avec un sentiment
partagé que nous accostons notre dernière plage. Sentiment partagé entre la
joie d'avoir passé des moments inoubliables et le regret qu'à cet instant
précis l'aventure s'arrête... mais c'est cela aussi l'aventure.